het Theater Festival

Amour entre Claire Croizé et Rilke

zo 03 sep 2017

 

Claire Croizé, danseuse et chorégraphe, travaille et vit en Belgique depuis plus de quinze ans maintenant.
La nouvelle compagnie qu’elle a fondée avec le chorégraphe, danseur et dramaturge Etienne Guillotteau, ECCE, présente son nouveau spectacle, Mer, le 29 septembre prochain dans l’eglise Sint-Walburga de Bruges. Ses solos et anciennes créations, parmi lesquelles The Farewell créée en 2009, ont toujours eu comme point de départ la musique classique. Ainsi The Farewell s’est créé à partir de l’Adieu du Chant de la Terre, le 3ème mouvement de la ‘9ème Symphonie‘ de Gustav Mahler. Claire opte pour un processus de création complètement différent depuis sa création Primitif (2014) – un mélange innovant entre musique pop thaïlandaise et danses tribales. La musique contemporaine prend le pas sur la musique classique. EVOL, présenté au TheaterFestival ce week-end, se trouve dans la ligne droite de cette recherche. Un spectacle où la musique contemporaine de David Bowie se mêle aux poèmes romantiques de Rainer Maria Rilke. Pari osé que celui de donner au romantisme une contemporanéité, et pourtant, Claire nous surprend encore.

Pour nous présenter la pièce, Claire commence par nous révéler les différentes entrées possibles au jeu de piste qu’elle a pris plaisir à composer.
Inspiré de l’album éponyme du groupe Sonic Youth, album que Claire a longtemps écouté et récouté, il renferme une désillusion, celle de la génération postpunk aux Etats-Unis. Une génération pleine de volonté et d’espoir qui a cessé d’avoir foi en l’avenir dans les années 80. EVOL symbolise une avancée presque forcée dans un monde inconnu où tout ce qui avait encore du sens perd soudain toute crédibilité. Quand l’enfant que vous avez été ne peut plus se rattacher à aucun rêve alors que faire ? Un thème que Claire a tout de suite connecté à Rilke et l’idéal romantique. ‘Ce désir d’un ailleurs, sa recherche volontaire et le malaise face à une réalité qui se révèle tout autre. Chez Rilke, le poète raconte qu’il est écrasé par la beauté de l’ange. Chez Mahler, il y avait la même idée de désir inatteignable. La tentative des romantiques de tendre vers l’équilibre, c’est quelque chose qui fait écho en moi.’ Mais EVOL c’est aussi l’anagramme de LOVE, et le début de EVOLution; L’amour que Claire porte à la danse et à ses danseurs, et l’évolution qu’elle donne à sa recherche en la confrontant au temps présent. Ce qu’elle n’a jamais fait jusqu’à présent.

Il est important d’avoir en tête que l’idée de base pour ce spectacle n’est pas de lier Rilke à Bowie ou même à Sonic Youth.
L’intention de Claire est d’écouter, d’observer, de vivre avec le corps de ses danseurs. Il fallait trouver un langage qui soit propre à chacun, comme une boite à outil que chacun pouvait réutiliser le temps venu au cours du processus de création. Claire nous explique que pour trouver ce langage singulier, ils ont d’abord travaillé en silence, souvent les yeux fermés et dans un mouvement d’introspection. Le fait que la pièce mette à nu le vulnérable et l’intime, c’est cela qui par la suite, les a aidés à garder une connexion forte avec les spectateurs. Une fois cette première phase de travail acquise, Claire commence l’écriture dramaturgique.

 

Claire Croizé (c) David Bergé

Les danseurs sont tour à tour le protagoniste des Elégies de Duino de Rilke, à savoir, le poète lui-même, mais pas uniquement.
Il y a aussi la figure de l’ange, celle des amants. Pendant les vingts premières minutes chacun des danseurs prend à sa charge le poème de la première Élégie. La répétition est un élément important du travail de Claire. ‘Je ne fais pas de pièces de théâtre, mais il y a une certaine narrativité qui est cachée. Quand ils ne sont pas dans le rôle du poète, les danseurs représentent les personnages évoqués par le poète. Ainsi, même s’ils sont ensemble dans le même poème, ils sont finalement seuls. Ils sont seuls ensemble.’ Mais attention, Claire nous met bien en garde, ce n’est pas un travail littéral. ‘Il y a des moments clairs, d’autres un peu moins, je m’amuse toujours avec les codes […] le changement de costumes, par exemple, a lieu lorsqu’ils doivent représenter un nouveau personnage. Cela crée un mystère, on ne comprend pas trop ce qui se passe. C’est l’intrigue qui me plaît. Elle m’aide à construire la dramaturgie de la pièce’.

Les costumes, la lumière, les personnages, les histoires, rien n’est explicitement référencés.
Pourtant chaque élément prend une place essentielle dans la composition finale. En tant que spectateur, Claire déteste qu’on lui dise ce qu’il faut sentir ou penser. ‘Le silence qui existe dans EVOL, distingue la pièce des pièces de théâtre traditionnelles.’ En vérité, la chorégraphe souligne une abstraction nécessaire dans son travail. Cette abstraction est propre à la danse. C’est la différence entre la danse et le théâtre. Dans le premier cas on rend compte, dans le second on imite. Il y a eu un travail important fait sur les costumes par la couturière de la compagnie. Il s’agissait de rendre signifiants certains éléments de costumes. Claire nous parle de détails subtiles qui aident inconsciemment à la compréhension de la pièce tels que les plumes sur les oreilles d’un des danseurs. Abstraction ne veut pas dire expérimentation. Le pièce suit une écriture très structurée. ‘Je ne suis pas dans l’expérimentation au sens où mes danseurs n’entrent pas sur scène en se disant : ‘on verra bien ce qu’il va se passer’. Il y a vraiment une performativité. Je joue en suivant les règles du théâtre, il y a une forme qui peut se révéler parfois burlesque, parfois lyrique.’

La musique me permet d’aller du singulier au général.
Plus on avance dans la pièce, plus la musique est présente. Le groupe prend la scène pendant que les solos s’effacent. Beaucoup de monde pense que la pièce est un hommage posthume à David Bowie, ce qui n’est pas le cas. Claire nous explique que son travail de recherche sur la pièce commence dès 2014. Quand elle passe des musiques de David Bowie, elle fait appel à notre mémoire collective plus qu’à la figure d’un seul homme. Même si, ‘ce qui est bien avec Bowie, c’est qu’il est un interprète du texte’, remarque Claire. Point besoin dans ce cas d’ajouter des textes écrits qui dévoileraient trop la structure. Claire choisit de ‘garder la rage des poèmes’ quitte à perdre la voix pour un cri qui jaillirait de temps à autres par surprise. La première chanson qui est choisie par Claire et Etienne Guilloteau, son dramaturge et partenaire dans la vie, est Five Years. ‘A l’époque, je faisais un plan de travail pour cinq ans quand j’ai appris que les subventions n’avaient pas été accordées à la compagnie. Je me suis vraiment demandée : où est-ce que je serai dans cinq ans, est-ce que j’arriverai à ne pas lâcher ?’ Five Years reprend le thème de l’apocalypse et de la fin du monde. Cette chanson est centrale. Elle est placée au milieu de la pièce. D’autres chansons possèdent un lien plus direct avec les poèmes de Rilke, comme Heroes ou Drowned Girl.

Elise Pierre & Milana Vojnovic

 

Extrait des premières Elégies de Duino de Rainer Maria Rilke

Qui donc, si je criais, parmi les cohortes des anges
m’entendrait? Et l’un d’eux quand même dût-il
me prendre soudain sur son cœur, ne m’évanouirais-je pas
sous son existence trop forte? Car le beau
n’est que ce degré du terrible qu’encore nous supportons
et nous ne l’admirons tant que parce que, impassible,
il dédaigne de nous détruire. Tout ange est terrible.
Et je me contiens donc et refoule l’appeau
de mon sanglot obscur. Hélas! qui
pourrait nous aider? Ni anges ni hommes,
et le flair des bêtes les avertit bientôt
que nous ne sommes pas très assurés
en ce monde défini. Il nous reste peut-être
un arbre, quelque part sur la pente,
que tous les jours nous puissions revoir; il nous reste
la rue d’hier et l’attachement douillet à
quelque habitude du monde
qui se plaisait chez nous et qui demeura.
Oh! et la nuit, la nuit, quand le vent plein des espaces
Nous ronge la face, à qui ne resterait-elle,
tant désirée, tendrement décevante, épreuve
pour le cœur solitaire? Aux amants serait-elle
plus légère? Hélas! ils ne se cachent
que l’un à l’autre leur sort.
Ne le savais-tu pas? Hors de tes bras
lance le vide vers les espaces que nous respirons peut-être;
les oiseaux sentiront-ils l’air élargi d’un vol plus ému.

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